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INTRODUCTION.

dédié par une galanterie spéciale aux « courtoises femmes de qualité d’Irlande et d’Angleterre. »

L’historiette de Rich mérite de notre part une attention spéciale, car c’est sans doute par elle que Shakespeare a connu la fable italienne. Barnaby transporte l’action de l’Italie de la Renaissance à la Grèce byzantine. — La fille du duc de Chypre, la belle Silla, a entrepris de rejoindre à Constantinople le duc Apollonius, dont elle s’est follement énamourée pendant un court séjour que ce seigneur a fait à la cour de Chypre. Après avoir échappé à maints périls durant cette aventureuse entreprise, après avoir été presque violée et avoir tout à fait naufragé, Silla parvient, habillée en homme, dans la métropole de l’empire grec et offre ses services au duc Apollonius, sous le pseudonyme de Sylvio, nom d’un frère jumeau à qui elle ressemble prodigieusement. Apollonius ne reconnaît pas la noble solliciteuse, qui d’ailleurs a fait peu d’impression sur lui à Chypre : il accepte la proposition du prétendu Silvio, se l’attache en qualité de page, et le charge d’une mission galante auprès de madame Julina, une veuve opulente à laquelle il fait une cour jusqu’ici sans succès. Voilà donc Silla, comme la Nicuola de Bandello, réduite à implorer pour celui qu’elle aime l’amour d’une autre ; mais, comme Nicuola, elle est bien vite rassurée. Ce n’est pas le duc, c’est le page que veut épouser Julina. Silla, surprise par cette déclaration, se dérobe en toute hâte à des ardeurs qu’elle ne peut satisfaire… Le soir vient. Julina, attristée de sa défaite, va prendre le frais sur une belle pelouse en dehors de l’enceinte de la ville, et rencontre — qui ? Le véritable Silvio qui arrive à Constantinople en quête de sa sœur. Elle croit reconnaître son inhumain et l’appelle. Silvio se retourne et s’empresse de lier conversation avec cette jolie femme qui dit si bien son