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APPENDICE.

si ce qu’il voyait était songe ou chose véritable. À la fin revenant à soi, comme s’il fût sorti d’un profond sommeil, ayant entendu toute l’histoire de la hardiesse de Nicole, mesurant son affection avec le peu d’amitié que lui portait Catelle, et parangonnant les beautés des deux, voyait que cette cy en avait le dessus, tout ainsi que la clarté du jour surpasse la splendeur sombre de l’astre luisant de nuit : s’adressant à Nicole, la pria lui pardonner sa faute, de laquelle il ne voulait point s’excuser, comme étant sans voile qui fût raisonnable : au reste que, s’il lui plaisait lui faire tant de faveur, comme l’assurait sa nourrice, de le prendre pour époux, qu’il s’estimerait heureux d’avoir gagné une si excellente épouse, en poursuivant celle qui ne l’égale en rien qui soit de beauté ou bonne grâce. La fille usant de sa modestie accoutumée, lui répond qu’elle était la même que jadis, et que son vouloir demeurait immuable, d’autant qu’il était hors de sa puissance d’aimer jamais autre que lui, ou d’en épouser un sans l’aimer, cela ne saurait tomber en l’esprit de Nicole : et soudain se donnent la foi, et Lactance promit que dès qu’il aurait dîné il irait voir Ambroise pour lui requérir sa fille pour femme. La nourrice ayant si bien ouvré pour le soulagement de sa fille de lait, épousés qu’elle les eut selon la façon d’Italie, là où ils couchent souvent avec leurs femmes avant de se présenter à l’église, la mena vers son père qui la reçut fort gracieusement. Bientôt après arriva Lactance, lequel pria le bonhomme de lui donner sa fille en mariage, ce qu’il ne refusa point, connaissant le parti fort sortable, étant le jeune homme riche, et bien apparenté et au reste estimé entre les plus modestes et courtois de la ville. Le comble de la joie fut parfait, lorsqu’étant sur l’accord du mariage, voici Paul qui entra, donnant un aise pareil au père, et à sa sœur, et à Lactance un si grand étonne-