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APPENDICE.

Las ! ami vois ma constance,
Et celle persévérance
Qui ne voit de temps passé.
Je ne suis point inconstante,
Ni follement languissante
Après divers amoureux :
Mon cœur ne reçoit figure
Que de celle portraiture,
Qu’il eut pour son sort heureux.
Je ne suis en rien semblable
À la Grecque détestable.
Femme de plusieurs époux,
Ni à l’épouse insensée
Du fort et vaillant Thésée :
Mon naturel est plus doux.
Je ne suis pas si cruelle
En mes désirs comme celle
Qui enflamma le palais
De Créon, et fut meurtrière
De sa proie la plus chère :
Car je n’aime que la paix.
Rien, doux ami, ne désire,
À autre cas je n’aspire
Qu’à te voir le seul support
De ma vie déplorée,
Ou d’aller (désespérée
De t’avoir) souffrir la mort.
Car vivre ainsi délaissée
Et me voir méprisée
Pour une moindre que moi.
Je ne puis, et y résiste
Mon destin, et le sort triste,
Qui fait constante ma foi.
Viens, ami, et plein de grâce
Notre amour encore embrasse.
Faisant revivre mon cœur.
Te voyant, je prends envie
De garder forte ma vie
Et de reprendre vigueur.

Finit qu’elle eut ces vers, elle les donna à sa fidèle