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EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

tout son contentement était de se plaindre à sa nourrice, et la prier de chercher les moyens que son ami, quittant cette pratique, convertit ses yeux vers elle, et se souvint d’elle et de ses premières poursuites. Elle lui écrivit plusieurs fois, mais le tout en vain, lui s’excusant tantôt sur une chose, tantôt sur une autre, ce qui nourrissait une si étrange jalousie au cœur de cette fille, que si elle eût tenu à discrétion et à son plaisir celle qui lui ravissait la moitié de son âme, je pense qu’elle eût fait une pareille anatomie que fit Médée de son frère, lorsqu’avec Jason elle fuyait la fureur de son père, et emportait la riche proie de la toison d’or. Aussi lui semblait-il impossible que Lactance, en aimant une autre qu’elle, pût rester en vie, vu que son cœur n’étant plus en elle, et possédé par celui qui le maltraitait, et ne lui demeurait autre remède que la défaite, et vivant en ses rêveries, elle qui savait tout plein de belles rimes italiennes, lui écrivit une complainte que je n’ai voulu laisser en arrière, ainsi l’ai mise en notre langue.


Complainte de l’amante sur la déloyauté de son amant.

Las ! où est cette promesse,
Où est ce nom de maîtresse,
Et ce mariage saint ?
La foy tienne est infidèle.
Et ta maîtresse fidèle,
Et sans nul fard, et toi faint.
Faut-il que de toi me plaigne,
Et que la terre je baigne
Comme un arrosoir de pleurs ?
Et que cruel tu te ries
De mes grandes mélancolies.
De mes ennuis et douleurs ?
Serai-je ainsi méprisée ?
Serai-je ainsi délaissée
Sans avoir rien offensé ?