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EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

l’ayant vue, se sentit pris et expérimenta en soi la maladie contagieuse qui prend par les yeux, et va poser son siége au cœur, laquelle encore il n’avait jamais savourée. Il vous commença dès lors à faire des promenades par devant le logis d’Ambroise, où les œillades n’étaient mises en oubli, lorsqu’il voyait sa sainte : laquelle aussi ayant pris plaisir en la beauté, disposition et gentillesse de Lactance, lui montrait bon visage, comme celle qui était atteinte du même mal, et symbolisant avec lui en égalité de passion et d’affections amoureuses. Mais savez-vous si elle en avait sa part ? De telle sorte qu’ayant l’esprit gentil, et sachant discerner les grossiers d’avec ceux qui avaient quelque cas de rare et singulier, voyant ne sais quoi de généreux en ce jeune homme, elle en fut éprise, et les flammes amoureuses entrèrent si avant dans son cœur tendrelet et susceptible de telles impressions, que le jour qu’elle passait sans le voir, elle ne pouvait vivre à son aise. Or, étant impossible qu’où les cœurs sont ainsi unis, et les volontés qui se correspondent, que facilement les amants ne viennent au-dessus de leurs entreprises, Lactance trouva moyen d’écrire son désir à Nicole en une épître de telle substance.

LETTRE DE LACTANCE.

Madame, puisque mon bonheur m’a si heureusement conduit que sans forcer rien de l’honnêteté, ni rang des miens, que je suis devenu l’esclave de vos perfections, il vous plaira aussi être si courtoise, qu’égalant la douceur avec cette divine beauté, qui vous rend admirable à chacun, comme une rare lumière de cette contrée, vous ayez compassion de celuy qui ne désire rien de vous que ce qu’honnêtement il peut souhaiter, à savoir d’être aimé réciproquement, afin que par cette liaison mutuelle, il puisse s’hazarder plus avant, et poursuivre l’alliance qui unisse