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EXTRAIT DES NOUVELLES DU PURGATOIRE DE TARLETON.

Sur ce, Mutio tout en rage investit la maison, et y mit le feu. Oh ! en quelle perplexité était le pauvre Lionel, enferme dans un coffre, l’incendie à ses oreilles ! Et quelle devait être l’émotion de Margaretta, sachant son amant dans un si grand danger ! Pourtant elle fit bonne contenance, et feignant d’être furieuse, elle appela sa servante et lui dit :

— Allons, ma fille, puisque ton maître dans une folle jalousie a mis à feu la maison et tout ce que je possède, je vais me venger de lui ; aide-moi à enlever ce vieux coffre où sont tous ses papiers et tous ses actes, et faisons-le brûler tout d’abord ; et, aussitôt que je le verrai en flammes, je m’en retournerai dans ma famille, car le vieux fou sera réduit à la misère, et je romprai avec lui.

Mutio, qui savait que toutes ses obligations et tous ses titres étaient là, la retint et dit à deux de ses gens d’emporter la caisse dans le champ et d’en prendre grand soin.

Lui-même demeura à voir brûler sa maison du haut en bas. Alors, ayant l’esprit en repos, il s’en retourna avec sa femme, et se mit à la cajoler, se croyant bien sûr d’avoir brûlé son amant, après avoir ordonné que sa caisse fût mise dans une charrette et transportée chez lui à Pise. Margaretta alla chez sa mère et se plaignit à elle et à ses frères de la jalousie de son mari ; celui-ci soutint qu’il n’avait que trop raison, et demanda un jour de délai pour le prouver. Sa belle-mère l’invita à venir souper chez elle le lendemain soir, espérant le réconcilier avec sa fille.

Sur ces entrefaites, Mutio se rendit à sa promenade accoutumée dans l’église, et là prœter expectationem il trouva Lionel. Tout étonné, il lui demande vite :

— Quelles nouvelles ?