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EXTRAIT DES NOUVELLES DU PURGATOIRE DE TARLETON.

quel moyen il pourrait enfin surprendre Lionel, et se mit en tête le plus terrible stratagème.

— Femme, dit-il, il faut que lundi matin je chevauche jusqu’à Vicence pour visiter un vieux patient à moi ; jusqu’à mon retour, qui aura lieu dans dix jours environ, je désire que tu habites notre petite maison de campagne.

— Bien volontiers, cher, dit-elle.

Sur ce Mutio l’embrassa, et fut aussi aimable que s’il ne soupçonnait rien ; puis le voilà qui court à l’église, où il rencontre Lionel.

— Eh bien, monsieur, dit-il, quelles nouvelles ? Votre maîtresse est-elle en votre possession ?

— Non, la peste du vieux coquin ! fit Lionel ; je crois qu’il est sorcier ou qu’il a recours à la magie, car je n’ai pas plutôt franchi la porte qu’il est sur mon dos, comme hier soir encore. J’avais à peine échauffé mon siége que la servante a crié : Voilà mon maître ! Et alors la pauvre créature fut obligée de me loger entre les deux cloisons d’une chambre dans un endroit parfaitement disposé ; là, j’ai ri de tout cœur de voir comme il fouillait tous les coins, mettait à sac tous les tonneaux, et poignardait tous les lits de plume, le tout en vain ; j’ai été parfaitement protégé jusqu’au matin, et alors, dès qu’il s’est endormi, j’ai déguerpi.

— La fortune vous est défavorable, dit Mutio.

— Oui, répondit Lionel, mais j’espère que c’est pour la dernière fois ; car lundi prochain il part pour Vicence, et sa femme va demeurer dans une maison de campagne aux environs de la ville, et là, en l’absence du mari, je prendrai ma revanche pour toutes mes infortunes passées.

— Dieu le veuille, dit Mutio en se retirant.

Les deux amants aspiraient au lundi qui arriva enfin. De bon matin Mutio monta à cheval, ainsi que sa femme, sa