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EXTRAIT DES NOUVELLES DU PURGATOIRE DE TARLETON.

à sa maîtresse que son maître était à la porte, car celui-ci s’était hâté, sachant qu’une corne n’est pas longue à greffer. Margaretta fut tout effarée de cette alerte ; pour parer au danger, elle fourra Lionel dans un panier rempli de plumes et s’assit à son ouvrage. Sur ce Mutio arriva tout soufflant ; et, feignant d’être venu en hâte pour chercher quelque chose, il demanda les clefs de ses chambres, regarda partout, fouilla tous les coins de la maison, visita le cabinet même, et, n’ayant rien pu découvrir, ne dit rien. Mais, alléguant un malaise, il resta à la maison, si bien que le pauvre Lionel fut obligé de rester dans le panier jusqu’à ce que le vieux ladre fût couché avec sa femme ; et alors la servante le fit sortir par une porte de derrière, et il s’en revint au logis la puce à l’oreille.

Le lendemain, il vint de nouveau à la rencontre du docteur, qu’il trouva à sa promenade accoutumée.

— Quelles nouvelles, dit Mutio ? Avez-vous réussi ?

— La peste du vieux coquin ! dit Lionel. À peine étais-je entré et avais-je donné un baiser à ma maîtresse que cet âne de jaloux était à la porte ; la servante l’a aperçu et a crié : Mon maître ! Si bien que la pauvre dame fut réduite, unique expédient, à me mettre dans un panier à plumes qui était dans une vieille chambre, et je dus rester là jusqu’au moment où il se mit au lit et s’endormit ; et alors la servante me délivra, et je partis. Mais n’importe ; ce n’est qu’un contre-temps, et j’espère avant peu avoir pris ma revanche sur lui.

— Comment ? dit Mutio.

— Morbleu, fit Lionel, ainsi : elle m’a fait prévenir aujourd’hui par sa servante que, jeudi prochain, le vieux rustre soupe avec un patient à un mille de Pise, et alors je m’engage à lui faire tout payer.

— C’est bon, dit Mutio, que la fortune vous soit propice.