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EXTRAIT DES NOUVELLES DU PURGATOIRE DE TARLETON.

de point en point comme quoi il s’était épris d’une dame mariée à quelqu’un de sa profession, lui indiqua la résidence et la maison de la dame, et le pria, vu son inexpérience, de vouloir l’assister de ses avis. Mutio, à cette révélation, fut frappé au cœur, reconnaissant qu’il s’agissait de sa femme ; pourtant, voulant mettre à l’épreuve la vertu de sa femme et se venger des deux amants, si elle le trahissait, il dissimula, répondit qu’il connaissait parfaitement la dame, la loua hautement, mais ajouta qu’elle avait un ladre pour mari, et qu’elle n’en serait que plus traitable.

— Éprouvez-la, jeune homme, dit-il à Lionel ; et, si elle ne veut pas se plier à votre caprice, je trouverai une potion qui la livrera vite à vos désirs. Or, pour vous indiquer les occasions, sachez que son mari sort chaque après-midi de trois à six. Je veux bien vous conseiller, par pitié pour votre passion, ayant moi-même autrefois été amoureux ; mais je vous recommande de ne révéler cela à qui que ce soit, de peur que cette intervention dans des affaires d’amour ne nuise à ma réputation.

Le jeune homme s’engagea à un scrupuleux secret, remercia vivement Mutio, et lui promit d’aller le trouver le lendemain pour lui dire les nouvelles. Sur ce il retourna vite chez lui, s’habilla dans toute sa braverie et se dirigea vers la maison de Mutio. Margaretta était à la fenêtre. Il lui adressa l’œillade la plus passionnée avec le plus humble salut. Margaretta, le considérant avec attention, et notant la perfection de sa tournure, le tint pour la fleur de Pise et songea combien elle serait heureuse de l’avoir pour ami, afin de suppléer aux défauts qu’elle trouvait à Mutio. Plusieurs fois cette même après-midi Lionel passa devant la fenêtre, élevant vers la dame des regards amoureux auxquels elle répondait par les plus gracieux sourires, ce qui l’encouragea tellement que, le