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INTRODUCTION.

démonstration par un corollaire. La conclusion, qui met en lumière l’opprobre de Falsiaff, met en relief l’échec de Slender. Ce sot indigne qui, sous prétexte qu’il a des rentes, croyait acheter en mariage la jolie Anne Page, se la voit enlever finalement par le pauvre Fenton, et, — déboire suprême, — au lieu de la charmante fille, épouse un postillon ! Ainsi la déconvenue burlesque de l’esquire consacre la mortification grotesque du chevalier. En définitive, nous assistons à l’éclatante victoire des humbles sur les arrogants : la simplicité a raison de la ruse, l’affection de la cupidité, le désintéressement du calcul, la droiture de l’intrigue.

Leçon exquise, dont le dernier mot pourrait être cette vérité : Le cœur a plus d’esprit que l’esprit même.

II

La nature a de singuliers caprices. Cette génératrice universelle, qui a pour loi la variété dans l’harmonie, enfreint parfois ce principe suprême par d’étranges anomalies. Elle qui puise à même l’inépuisable, elle qui peut diversifier les types à l’infini, et produire autant de physionomies qu’il y a de visages, elle a par moments cette fantaisie de jeter deux figures dans un moule unique : elle crée des ménechmes. L’analogie physique, qui existe généralement entre les frères venus successivement au monde, devient surprenante chez les frères engendrés à la même heure. L’air de famille arrive alors jusqu’à l’identité. Même figure, même teint, même chevelure, même taille, même regard. Le père et la mère s’y méprennent ; ils ont beau examiner ces marmots, ils ne distinguent pas l’un de l’autre.

Proles
Indiscreta suis gratusque parentibus error.