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LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

viola.

— Mon père avait un signe sur le front.

sébastien.

Et le mien également.

viola.

— Et il mourut le jour même où Viola, depuis sa naissance — comptait treize années.

sébastien.

— Oh ! ce souvenir est vivant dans mon âme ! — Il acheva, en effet, son action mortelle — le jour où ma sœur atteignit treize ans.

viola.

— Si le seul obstacle à notre bonheur mutuel — est cet habillement masculin usurpé par moi, — ne m’embrassez pas, que toutes les circonstances — de lieu, de temps, de fortune, n’aient concouru à prouver que — je suis Viola. Afin de vous le démontrer, — je vais vous mener dans cette ville voir un capitaine — chez qui sont déposés mes vêtements de fille : c’est par son généreux secours — que j’ai été sauvée pour servir ce noble comte. — Depuis lors, toutes les occupations de ma vie — ont été partagées entre cette dame et ce seigneur.

sébastien, à Olivia.

— Il résulte de là, madame, que vous vous êtes méprise ; — mais la nature en cela a suivi sa pente. — Vous vouliez vous unir à une vierge : — et, sur ma vie, vous n’aurez pas été déçue dans ce désir, — car vous avez épousé à la fois homme et vierge.

le duc.

— Ne restez pas confondue : il est de sang vraiment noble. — Si tout cela est vrai, comme la réflexion le fait croire, — j’aurai ma part dans ce très-heureux naufrage.

À Viola.

— Page, tu m’as dit mille fois — que tu n’aimerais jamais une femme à l’égal de moi.