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INTRODUCTION.

deux maris, Gué, qui prend au tragique les avances ironiques de sa femme, et qui, pour faire avorter les projets amoureux de sir John, s’insinue, sous un déguisement, dans la confidence du chevalier.

Cette situation éminemment comique du galant ayant pour confident le jaloux, Shakespeare l’a empruntée, en la renouvelant, au roman italien. Dès le quatorzième siècle. Ser Giovanni Fiorentino avait raconté, dans Il Pecorone (giornata 1, novella 2), l’aventure d’un étudiant de Bologne qui, s’étant amouraché d’une femme qu’il ne sait pas être la propre femme de son professeur, confie à celui-ci ses projets de séduction et le prévient des rendez-vous que lui accorde la belle. Le mari, ainsi averti d’avance, arrive constamment au milieu des tête-à-tête ; mais constamment l’étudiant échappe à ses perquisitions, une fois en se cachant sous un monceau de linge fraîchement revenu de la lessive, une autre fois en s’esquivant dans l’obscurité au moment où la femme ouvre la porte au jaloux. Le mari, frustré dans ses recherches, devient furieux ; les parents de la femme accourus le traitent de fou, le garrottent, l’étendent sur un matelas devant un feu ardent ; et l’étudiant, venu alors pour voir son maître, reconnaît celui qu’il a trompé et, impuni jusqu’au bout, se réfugie à Rome. — La même histoire se retrouve dans un recueil de nouvelles publié à Venise en 1569, Le Tredeci piacevoli notti del S. Gio. Straparola[1] ; seulement les stratagèmes d’évasion y sont légèrement modifiés, et la conclusion en est plus tragique. Le trompeur échappe à l’époux trompé, d’abord en se fourrant dans le lit conjugal sur lequel les rideaux ont été tirés, puis en se cachant dans une malle recouverte de linge, enfin en se faufilant

  1. Les Facétieuses Nuits de Straparole, traduites par Jean Louveau et Pierre de Larivey, iv nuit, fable iv. — Bibliothèque elzévirienne. — Pagnerre, éditeur.