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SCÈNE XV.

votre voix ni vos traits. — Je hais l’ingratitude dans un homme plus — que le mensonge, la vanité, le bavardage, l’ivrognerie, — ou tout autre vice dont le ferment corrupteur — est dans notre sang débile.

antonio.

Ô ciel !

deuxième officier.

Allons, monsieur, je vous en prie, partons.

antonio.

— Laissez-moi dire un mot. Ce jeune homme que vous voyez là, — je l’ai arraché, déjà à demi englouti, aux mâchoires de la mort ; — je l’ai secouru, et avec quelle affectueuse ferveur ! — À son image, qui me semblait respirer — les plus vénérables vertus, j’ai rendu un culte.

premier officier.

— Qu’est-ce que ça nous fait ? le temps passe ; en route !

antonio.

— Oh ! mais quelle vile idole devient ce dieu ! — Sébastien, tu as déshonoré une noble physionomie. — Dans la nature il n’y a de laideur que celle de l’âme. — Nul ne peut être appelé difforme que l’improbe. — La vertu est la beauté. Quant au vice beau, — ce n’est qu’un coffre vide, surchargé d’ornements par le démon !

premier officier.

— L’homme devient fou ; emmenez-le… — Allons, allons, monsieur.

antonio.

Conduisez-moi.

Les officiers sortent avec Antonio.
viola, à part.

— Ses paroles jaillissent avec une telle émotion qu’on dirait — qu’il est convaincu ; moi, je ne le suis pas encore. — Ne me trompe pas, imagination, oh ! ne me