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SCÈNE XIV.

sir tobie.

Mets-toi sur la défensive ; de quelle nature sont tes torts envers lui, je ne sais ; mais ton adversaire, plein de ressentiment, sanguinaire comme le chasseur, t’attend au bout du jardin. Dégaine ton estoc, prépare-toi lestement, car ton assaillant est vif, adroit et acharné.

viola.

Vous faites erreur, monsieur ; je suis sûr que personne n’a de querelle avec moi ; ma mémoire, parfaitement nette, ne me rappelle aucune offense commise envers qui que ce soit.

sir tobie.

Vous reconnaîtrez le contraire, je vous assure ; conséquemment, si vous attachez quelque prix à votre vie, tenez-vous sur vos gardes ; car votre rival a en lui toutes les ressources que la jeunesse, la force, l’adresse et la colère peuvent fournir à un homme.

viola.

Mais, monsieur, qui est-il, je vous prie ?

sir tobie.

C’est un chevalier, armé d’une rapière intacte, une réputation de salon ; mais dans une querelle privée c’est un diable : il a déjà séparé trois âmes de leurs corps ; et son exaspération en ce moment est si implacable que les affres de la mort et du sépulcre peuvent seules lui faire satisfaction : Advienne que pourra, voilà sa devise : Vaincre ou mourir.

viola.

Je vais rentrer dans la maison, et demander à madame quelque escorte. Je ne suis pas batailleur. J’ai ouï parler d’une espèce d’hommes qui cherchent querelle aux autres uniquement pour tâter leur valeur : c’est probablement un homme qui a ce travers.