Va, sir André, embusque-toi sur son passage, comme un recors, au coin du jardin ; aussitôt que tu l’apercevras, dégaine ; et, tout en dégainant, jure horriblement ; car il arrive souvent qu’un effroyable juron, hurlé d’une voix de stentor, donne une plus haute idée d’un courage que ne le ferait la meilleure preuve. En avant.
Ah ! pour les jurons, rapportez-vous-en à moi.
Eh bien, non, je ne remettrai pas cette lettre ; car l’attitude de ce jeune gentilhomme montre qu’il a de la capacité et de l’éducation ; son emploi d’intermédiaire entre son seigneur et ma nièce ne prouve pas moins : conséquemment cette lettre, si parfaitement inepte, ne lui causerait pas la moindre terreur ; il reconnaîtrait qu’elle vient d’un oison. Mais, mon cher, je transmettrai le cartel de vive voix ; je ferai à Aguecheek une notable réputation de valeur, et j’inculquerai à ce gentilhomme (que la jeunesse, j’en suis sûr, doit rendre facilement crédule) la plus formidable idée de sa rage, de son adresse, de sa furie et de son impétuosité. Grâce à moi, ils auront l’un de l’autre une telle peur qu’ils se tueront mutuellement du regard comme des basilics.
Le voici qui vient avec votre nièce ; laissons-leur le champ libre, jusqu’à ce qu’il se retire, et aussitôt entreprenez-le.
Je vais pendant ce temps méditer quelque horrible réfaction pour le cartel.