Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 14.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
340
LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

votre présence que pour vous exaspérer, pour réveiller votre valeur dormeuse, pour vous mettre du feu au cœur et du soufre dans le foie. Vous auriez dû l’accoster alors ; et, par quelques excellentes railleries, encore toutes neuves de la forge, vous auriez frappé de mutisme ce jouvenceau. C’est ce qu’elle attendait de vous, et son attente a été trompée ; vous avez laissé le temps effacer la double dorure de cette occasion, et maintenant vous voguez au nord de son estime ; et vous y resterez suspendu comme un glaçon à la barbe d’un Hollandais, à moins que vous ne rachetiez votre faute par quelque louable action de valeur ou de haute politique.

sir andré.

Si je fais quelque chose, ce sera un acte de valeur. Car je hais la politique : j’aimerais autant être Browniste qu’homme politique (31).

sir tobie.

Eh bien donc, bâtis ta fortune sur la base de la valeur. Provoque-moi en duel le page du comte ; blesse-le en onze endroits ; ma nièce en prendra note ; et, sois-en sûr, il n’y a pas d’agent d’amour au monde qui fasse valoir un homme aux yeux d’une femme comme une réputation de courage.

fabien.

Il n’y a que ce moyen, sir André.

sir andré.

L’un de vous deux veut-il lui porter mon cartel ?

sir tobie.

Va, écris-le d’une main martiale ; sois cassant et bref. Peu importe que ce soit spirituel, pourvu que ce soit éloquent et plein d’originalité ; lave-lui la tête avec toute la licence de l’encre ; si tu le tutoies deux ou trois fois, ça ne fera pas mal ; et donne-lui autant de démentis qu’en pourra tenir ta feuille de papier, la feuille fût-elle