Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 14.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
SCÈNE VIII.

peine qu’on se baisse pour l’avoir, le voilà par terre sous vos yeux ; sinon qu’il appartienne à qui le trouvera.

Il sort en jetant la bague aux pieds de Viola.
viola, la ramassant.

— Je ne lui ai pas laissé de bague : que prétend cette dame ? — Ma tournure l’aurait-elle charmée ? Le sort veuille que non ! — Elle m’a beaucoup considérée, à tel point vraiment — que ses yeux semblaient égarer sa langue ; — car elle parlait d’une façon incohérente et distraite. — Elle m’aime assurément ; c’est une ruse de sa passion — qui me fait inviter par ce grossier messager. — Elle ne veut pas de la bague de monseigneur ! Mais il ne lui en a pas envoyé. — Je suis le personnage !… Si cela est (et cela est), — pauvre femme, elle ferait mieux de s’éprendre d’une vision. — Déguisement, tu es, je le vois, une profanation — qu’exploite l’adroit ennemi du genre humain. — Combien il est facile à de beaux trompeurs — de faire impression sur le cœur de cire des femmes ! — Hélas ! la faute en est à notre fragilité, non à nous. — Car telles nous sommes faites, telles nous sommes. — Comment ceci s’arrangera-t-il ! Mon maître l’aime tendrement ; — et moi, pauvre monstre, je suis profondément aussi éprise de lui. — Qu’adviendra-t-il de tout ça ? Comme homme, — je dois désespérer d’obtenir l’amour de mon maître. — Comme femme ? hélas ! que d’inutiles soupirs j’arrache à la pauvre Olivia ! — Ô temps, c’est toi qui dois débrouiller ceci et non moi. — Ce nœud est pour moi trop difficile à dénouer.

Elle sort.

SCÈNE VIII.
[Chez Olivia.]
Entrent sir Tobie Belch et sir André Aguecheek.
sir tobie.

Approche, sir André ; ne pas être au lit après minuit,