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SCÈNE V.

qu’il cesse d’envoyer… — à moins que par hasard vous ne reveniez — pour me dire comment il prend la chose. Adieu ; — je vous remercie : dépensez ceci pour moi.

Elle lui offre une bourse.
viola.

— Je ne suis pas un messager à gage, madame ; gardez votre bourse ; — c’est à mon maître, non à moi, qu’il faut une récompense. — Puisse l’amour faire un cœur de roche à celui que vous aimerez, — et puisse votre ferveur, comme celle de mon maître, — n’être payée que de mépris !… Adieu, belle cruauté.

Elle sort.
olivia.

Quelle est votre naissance ? — Supérieure à ma fortune, et pourtant ma fortune est suffisante ; — je suis gentilhomme. Je jurerais que tu l’es. — Ton langage, ton visage, ta tournure, ta démarche, ton esprit, — te donnent un quintuple blason… Pas si vite ! Doucement ! doucement !… — Que le maître n’est-il le valet !… Eh quoi ! — Peut-on si vite attraper le fléau ! — Il me semble que je sens les perfections de ce jeune homme, — par une invisible et subtile effraction, — s’insinuer dans mes yeux. Eh bien, soit… — Holà, Malvolio !

Entre Malvolio.
malvolio.

Me voici, madame, à votre service.

olivia.

— Cours après ce mutin messager, — l’envoyé du comte ; il a laissé cette bague ici — malgré moi ; dis-lui que je n’en veux pas. — Recommande-lui de ne pas donner d’illusion à son maître, — de ne pas le bercer d’espérances ; je ne suis point pour lui ; — si ce jeune homme veut repasser par ici demain, — je lui expliquerai mes raisons. Hâte-toi, Malvolio.