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SCÈNE V.

mais nous allons tirer le rideau, et vous montrer le tableau.

Se dévoilant.

Regardez, monsieur.

Se revoilant.

Voilà ce que j’étais tout à l’heure.

Se dévoilant.

N’est-ce pas bien fait ?

viola.

Excellemment, si c’est Dieu qui à tout fait.

olivia.

C’est dans le grain, monsieur ; ça résistera au vent et à la pluie.

viola.

— C’est de la beauté admirablement fondue ; ce rouge et ce blanc — ont été mis là par la main exquise et savante de la nature elle-même. — Madame, vous êtes la plus cruelle des vivantes, — si vous emportez toutes ces grâces au tombeau, — sans en laisser copie au monde. —

olivia.

Oh ! monsieur, je n’aurai pas le cœur si dur ; je ferai divers legs de ma beauté ; elle sera inventoriée, et chaque particularité, chaque détail, sera étiqueté dans mon testament : par exemple, item, deux lèvres passablement rouges ; item, deux yeux gris avec leurs paupières ; item, un cou, un menton, et ainsi de suite. Avez-vous été envoyée ici pour m’estimer ?

viola.

— Je vois ce que vous êtes ; vous êtes trop fîère ; — mais, quand vous seriez le diable, vous êtes jolie. — Mon seigneur et maître vous aime. Oh ! un tel amour — devrait être récompensé, quand vous seriez couronnée — la beauté sans pareille !

olivia.

Comment m’aime-t-il ?