Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 14.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

malvolio.

Je m’étonne que Votre Excellence se plaise dans la société d’un si chétif coquin ; je l’ai vu écraser l’autre jour par un méchant fou qui n’a pas plus de cervelle qu’un caillou. Voyez donc, il est déjà tout décontenancé ; dès que vous ne riez plus et que vous ne lui fournissez plus matière, il est bâillonné. Sur ma parole, je considère les gens sensés qui s’extasient si fort devant des fous de cette espèce comme ne valant pas mieux que la marotte même de ces fous.

olivia.

Oh ! vous avez la maladie de l’amour-propre, Malvolio, et vous avez le goût d’un appétit dérangé. Quand on est généreux, sans remords et de franche nature, on prend pour des flèches à moineau ce que vous tenez pour des boulets de canon. Il n’y a rien de malveillant dans un bouffon émérite, qui ne fait que plaisanter, comme il n’y a rien de plaisant dans un sage prétendu discret qui ne fait que censurer.

feste.

Que Mercure te donne le talent de mentir pour avoir dit tant de bien des fous !

Rentre Maria.
maria.

Madame, il y a à la porte un jeune gentilhomme qui désire fort vous parler.

olivia.

Est-ce de la part du comte Orsino ?

maria.

Je ne sais pas, madame ; c’est un beau jeune homme, et bien accompagné.

olivia.

Quel est celui de mes gens qui le retient là-bas ?