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SCÈNE IV.

tes pas vers elle ; — ne te laisse pas renvoyer, reste à sa porte, — et dis à ses gens que tes pieds seront enracinés là — jusqu’à ce que tu aies obtenu audience.

viola.

Sûrement, mon noble seigneur, — si elle s’est abandonnée à sa douleur — autant qu’on le dit, elle ne m’admettra jamais.

le duc.

— Fais du bruit, franchis toutes les bornes de la civilité, — plutôt que de revenir sans résultat.

viola.

— Supposons que je puisse lui parler, monseigneur, que lui dirai-je ?

le duc.

— Oh ! alors révèle-lui ma passion ; — étonne-la du récit de mon profond attachement. — Tu représenteras mes souffrances à merveille ; — elle les entendra mieux de la bouche de ta jeunesse — que de celle d’un nonce de plus grave aspect.

viola.

— Je ne le crois pas, monseigneur.

le duc.

Crois-le, cher enfant ; — car ce serait mentir à ton heureux âge — que de t’appeler un homme ; les lèvres de Diane — ne sont pas plus douces ni plus vermeilles ; ta petite voix — est comme l’organe d’une jeune fille, flûtée et sonore, — et tu jouerais parfaitement un rôle de femme. — Je sais que ton étoile t’a prédestiné — pour cette affaire… Que quatre ou cinq d’entre vous l’accompagnent ; — tous, si vous voulez ; car, pour moi, je ne suis jamais mieux — que quand je suis seul. Réussis dans ce message ; — et tu vivras aussi indépendant que ton maître ; — tu pourras appeler tienne sa fortune.