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SCÉNE II.

le capitaine.

— L’Illyrie, madame.

viola.

— Et qu’ai-je à faire en Illyrie ? — Mon frère est dans l’Élysée… — Peut-être n’est-il pas noyé : qu’en pensez-vous, matelots ?

le capitaine.

— C’est par une heureuse chance que vous avez été sauvée vous-même.

viola.

— Ô mon pauvre frère ! mais il se pourrait qu’il eût été sauvé, lui aussi, par une heureuse chance.

le capitaine.

— C’est vrai, madame ; et, pour augmenter ce rassurant espoir, — je puis vous affirmer que, quand notre vaisseau s’est ouvert, — au moment où vous-même, avec le petit nombre des sauvés, — vous vous cramponniez à notre chaloupe, j’ai vu votre frère, — plein de prévoyance dans le péril, s’attacher — (expédient que lui suggéraient le courage et l’espoir) — à un grand mât qui surnageait sur la mer ; — alors, comme Arion sur le dos du dauphin, — je l’ai vu tenir tête aux vagues, — tant que j’ai pu l’apercevoir.

viola.

Pour ces paroles, voilà de l’or. — Mon propre bonheur laisse entrevoir à mon espoir, — qui s’autorise d’ailleurs de ton langage, — un bonheur égal pour lui. Connais-tu ce pays ?

le capitaine.

— Oui, madame, très-bien ; car le lieu où je suis né et où j’ai été élevé — n’est pas à trois heures de marche de distance.

viola.

— Qui gouverne ici ?