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SCÈNE III.

adriana.

— Mais, si j’en faisais autant que lui, il le prendrait mal.

luciana.

— Oh ! sachez-le, il est la bride de votre volonté.

adriana.

— Il n’y a que les ânes qui se laissent brider ainsi.

luciana.

— Une liberté rétive est fouettée par le malheur. — Il n’y a rien sous l’œil du ciel, — rien sur la terre, dans la mer, dans le firmament, qui n’ait sa borne. — Les femelles des quadrupèdes, des poissons et des oiseaux — sont assujetties à leurs mâles, et sous leur autorité. — L’homme, plus divin, le maître de tout cela, — le souverain du continent immense et des solitudes humides de la mer, — placé par le sens intellectuel et par l’âme — bien au dessus du poisson et de l’oiseau, — est le seigneur et maître de sa femelle ; — ainsi, que votre volonté se soumette à sa convenance.

adriana.

— C’est cette servitude-là qui vous empêche de vous marier.

luciana.

— Non, c’est la crainte des tribulations du lit conjugal.

adriana.

— Mais, si vous étiez mariée, vous voudriez avoir quelque ascendant.

luciana.

— Avant d’apprendre à aimer, je m’exercerai à obéir.

adriana.

— Et si votre mari allait soupirer ailleurs ?

luciana.

— J’attendrais patiemment qu’il revînt à moi.