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SCÈNE IX.

vécu : voici le comble de mon ambition. Ô heure bénie !

mistress gué.

Ô suave sir John !

falstaff.

Mistress Gué, je ne sais pas enjôler, je ne sais pas babiller, mistress Gué. Je vais faire un souhait coupable : je voudrais que ton mari fût mort… le suis prêt à le déclarer devant le lord suprême, je ferais de toi ma lady.

mistress gué.

Moi, votre lady, sir John ! Hélas ! je ferais une pitoyable lady.

falstaff.

Que la cour de France m’en montre une pareille ! Tes yeux, je le vois bien, rivaliseraient avec le diamant. Tu as ces beaux sourcils arqués en harmonie avec la coiffure en carène, la coiffure à voiles, avec la plus belle coiffure de Venise (15) !

mistress gué.

Un simple mouchoir, sir John, voilà ce qui sied à mon front, et tout au plus encore.

falstaff.

Tu es une traîtresse de parler ainsi. Tu ferais une femme de cour accomplie ; et la fermeté rigide de ton pied donnerait une grâce parfaite à ta démarche dans le demi-cercle d’un vertugadin. Je vois ce que tu serais sans la fortune ennemie, la nature étant ton amie. Allons, tu ne saurais le nier.

mistress gué.

Croyez-moi, je n’ai rien de tout ça.

falstaff.

Qu’est-ce qui m’a fait t’aimer ? Cela seul doit te convaincre qu’il y a en toi quelque chose d’extraordinaire. Va, je ne sais pas flatter, je ne sais pas te dire : Tu es ceci et ça, comme ces muguets susurrants qui ont des