Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 14.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LES JOYEUSES ÉPOUSES DE WINDSOR.

gué.

J’aurais voulu, monsieur, que Gué vous fût connu ; vous auriez pu l’éviter, en cas de rencontre.

falstaff.

Au diable ce misérable trafiquant de beurre salé ! Je le méduserai d’un regard ; je le terrifierai avec ma canne : elle planera comme un météore au-dessus des cornes du cocu. Maître Fontaine, sache-le, j’aurai raison de ce maraud, et tu coucheras avec sa femme… Viens me trouver ce soir de bonne heure. Gué est un drôle, et je prétends aggraver son titre ; je veux, maître Fontaine, que tu le tiennes pour un drôle et pour un cocu… Viens me trouver ce soir de bonne heure.

Il sort.
gué.

Quel maudit chenapan d’épicurien est-ce là !… Mon cœur est prêt à éclater d’impatience !… Qu’on vienne me dire que cette jalousie est insensée ! Ma femme lui a envoyé un message, l’heure est fixée, le marché est conclu. Aurait-on cru cela ?… Oh ! l’enfer d’avoir une femme infidèle ! Mon lit sera souillé, mon coffre-fort pillé, ma réputation déchirée à belles dents ; et non-seulement je subirai ces affreux outrages, mais je m’entendrai appliquer les épithètes les plus abominables, et par celui-là même qui m’outrage !… Et quelles épithètes ! et quels noms !… Qu’on m’appelle Amaimon, soit ; Lucifer, soit ; Barbason, soit : ce sont des appellations de diables, des noms de démons : mais cocu, archicocu ! le diable lui-même n’a pas un nom pareil. Page est un âne, un âne de confiance ; il a foi dans sa femme, il n’est pas jaloux ! Moi, j’aimerais mieux confier mon beurre à un Flamand, mon fromage à Hugh, le pasteur welche, ma bouteille d’eau-de-vie à un Irlandais, ma haquenée à un voleur pour une promenade