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INTRODUCTION.

étrangères à l’action principale, il constitue un hors-d’œuvre si évident, qu’il est difficile de ne pas le regarder comme une addition improvisée après l’entière composition du drame. Nombre de critiques experts, Johnson, Farmer, Malone, Stevens, etc., sont d’accord pour déclarer qu’ils reconnaissent dans maints passages de Henry VIII la main de Ben Jonson, le poëte de la cour de Jacques Ier. Pour ma part, je n’affirmerais pas le nom du reviseur ; mais j’affirmerais volontiers que l’ouvrage de Shakespeare a été retouché par une plume étrangère. Dans ce long épisode qui fait succéder aux funérailles de Catherine d’Aragon, morte en 1536. le baptême d’Élisabeth, née en 1533, je ne retrouve ni la forme, ni la pensée du maître. Quel rapport y a-t-il entre le vers éclatant de Shakespeare et ce vers terne et incolore qui raconte les péripéties peu tragiques de la fortune de l’archevêque Cranmer ? Quel lien rattache ces péripéties à l’émouvante catastrophe de Kimbolton ? Je vois bien que l’aventure de Cranmer, rentrant en faveur après un simulacre de disgrâce et devenant parrain de la fille d’Anne de Boleyn, est un expédient scénique destiné à amener l’éloge final de la reine Élisabeth et de son successeur Jacques Ier. Mais quelle relation a cet éloge avec le drame auquel nous venons d’assister ? Est-ce donc pour aboutir à la comparaison de Jacques Ier avec le phénix que ce drame a si noblement exposé sur la scène le forfait de Henry VIII ? Est-ce donc pour en venir à la glorification d’Élisabeth que ce drame a si fièrement, démasqué l’intrigue criminelle qui porta au trône Anne de Boleyn ? Singulier dénoûment, en vérité, qui consacre la flétrissure de la mère par l’apothéose de la fille ! — Habituons-nous donc à juger ce dénoûment, non comme le dernier mot du poëte, mais comme une terminaison de circonstance imposée à son œuvre par les exigences du pouvoir