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INTRODUCTION.

qu’il reconnaît avec stupeur l’immense danger auquel sa servilité l’a exposé lui-même. Si le divorce, ce divorce dont il est le promoteur, est prononcé, la reine catholique sera remplacée par une reine luthérienne. Si Henry VIII répudie Catherine, ce ne sera pas, comme le veut Wolsey, pour épouser la duchesse d’Alençon, sœur du roi très-chrétien, ce sera pour épouser l’hérétique Anne de Boleyn !

— Anne de Boleyn ! s’écrie le cardinal avec rage, non, je ne veux pas d’Anne de Boleyn pour lui ! une luthérienne frénétique ! Il n’est pas sain pour notre cause qu’elle repose dans les bras de notre roi.

Pour Wolsey désormais, la cause de l’Église catholique se confond avec la cause même de Catherine d’Aragon. Le divorce entre Catherine et Henry VIII, ce n’est plus seulement la séparation de deux personnes royales, c’est la rupture peut-être éternelle entre l’Angleterre et Rome. En hâtant la ruine de la reine, le cardinal s’aperçoit qu’il a hâté l’avènement de l’hérésie. À tout prix il veut réparer la faute énorme qu’il a commise. Mais il est trop tard. Par une légitime rétribution, tous les efforts qu’il fait désormais tournent contre lui et poussent à sa chute. Les lettres confidentielles qu’il écrit au pape afin de retarder le divorce, tombent entre les mains du roi par un hasard qui ressemble à une intervention de la Providence. Wolsey est disgracié, dégradé, chassé, frappé à mort, et Cranmer est nommé archevêque de Cantorbéry. Au légat catholique succède le primat protestant. Henry VIII rompt avec la papauté en répudiant Catherine d’Aragon. Il embrasse le schisme en épousant Anne de Boleyn.

Shakespeare nous fait assister au sacre de la nouvelle reine, il étale sur la scène le splendide cortége qui conduit à Westminster la seconde femme de Henry VIII.