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SCÈNE X.

l’honnêteté de ton dévouement, à ce rôle de femme. — Essuyons nos yeux, et écoute-moi jusqu’au bout, Cromwell. — Lorsque je serai oublié, comme je dois l’être, — et que je dormirai dans le marbre glacé et sinistre où le bruit — de mon nom doit s’éteindre, dis que je t’ai fait la leçon ; — dis que ce Wolsey, qui jadis avait marché dans les voies de la gloire — et sondé toutes les profondeurs et les écueils de la puissance, — te montra dans son naufrage même le chemin de la grandeur, — chemin certain et sûr que lui, ton maître, avait manqué. — Observe seulement ma chute et ce qui m’a ruiné. — Cromwell, je te le recommande, repousse l’ambition. — C’est par ce péché que sont tombés les anges : comment donc l’homme, — image de son Créateur, peut-il espérer réussir par elle ? — Aime-toi en dernier : chéris les cœurs qui te haïssent. — La corruption ne réussit pas plus que l’honnêteté. — Porte toujours la douce paix dans ta main droite — pour imposer silence à l’envie. Sois juste et ne crains rien. — Dans tous tes desseins n’aie en vue que ton pays, — ton Dieu et la vérité. Alors, si tu tombes, ô Cromwell, — tu tombes martyr bien-heureux. Sers le roi ; — et, je t’en prie, ramène-moi chez moi. — Là, fais un inventaire de tout ce que j’ai — jusqu’au dernier penny : tout cela est au roi. Ma robe — et ma dévotion au ciel sont tout — ce que j’ose désormais appeler mien. Ô Cromwell, Cromwell, — si j’avais mis au service de Dieu la moitié seulement du zèle — que j’ai mis au service du roi, il ne m’aurait pas, à mon âge, — livré nu à mes ennemis (68).

cromwell.

— Mon bon seigneur, ayez patience.

wolsey.

J’en ai aussi. Adieu, — espérances de cour ! mes espérances résident dans le ciel.

Ils sortent.