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SCÈNE IX.

vous, milords. Sont-ce là vos consolations ? — Est-ce là le cordial que vous apportez à une malheureuse dame ? — une femme perdue au milieu de vous, bafouée, méprisée ! — Je ne voudrais pas vous souhaiter la moitié de mes misères, — j’ai plus de charité que cela ; mais écoutez, je vous avertis, — prenez garde, au nom du ciel, prenez garde que tout — le poids de mes malheurs ne retombe sur vous.

wolsey.

— Madame, ceci est du pur délire. — Vous traduisez en une perfidie le service que nous vous offrons.

la reine catherine.

— Vous, vous me réduisez à néant. Malheur à vous — et à tous les faux parleurs comme vous ! Voudriez-vous, — si vous aviez quelque justice, quelque pitié, — si vous aviez de l’homme d’Église autre chose que l’habit, — voudriez-vous que je remisse ma cause malade entre les mains de qui me hait ? — Hélas ! il m’a bannie de son lit déjà, — de son amour, depuis trop longtemps. Je suis vieille, milords, — et le seul lien par lequel je lui tienne à présent, — c’est mon obéissance. Que peut-il m’arriver — de pire qu’une telle misère ? Que tout votre savoir — me trouve une malédiction comme celle-là.

campéius.

Vos craintes exagèrent.

la reine catherine.

— Ai-je donc (il faut bien que je parle moi-même, — puisque la vertu ne trouve pas d’amis), ai-je donc vécu si longtemps en épouse fidèle, — en femme, j’ose le dire sans vaine gloire, — inaccessible à la flétrissure du soupçon, — ai-je constamment entouré le roi — de toutes mes affections, l’ai-je aimé, après le ciel, plus que tout, lui ai-je obéi, — ai-je poussé l’idolâtrie pour lui jusqu’à la superstition, — oubliant presque mes prières dans mon désir de lui