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INTRODUCTION.

5 009 morts ; bataille de Stamford, 10 000 morts ; (1471) bataille de Barnet, 10 300 morts ; bataille de Tewkesbury, 3 032 morts ; (1485) bataille de Bosworth, 4 013 morts. — À la seule bataille de Towton, il y a plus d’Anglais tués que dans les sept batailles modernes de Vimiera, de Talavera, d’Albuera, de Salamanca, de Vittoria et de Waterloo réunies. Durant cette guerre trentenaire, quatre-vingts princes du sang disparaissent ; dans les maisons presque royales de Somerset et de Warwick, les membres des deux générations meurent tous de mort violente ; presque toutes les familles seigneuriales, perpétuées depuis la conquête, s’éteignent ; la vieille aristocratie féodale est anéantie. Cette guerre des Deux Roses est une guerre forcenée, faite à coups de hache autant qu’à coups de lance. La loyauté chevaleresque a disparu. Tous les combats se couronnent par des boucheries. Pas de rançon, pas de quartier. On achève les blessés, on égorge les prisonniers. À la première bataille de Saint-Albans, le duc d’York tue lord Clifford ; après la bataille de Wakefield, le fils de lord Clifford poignarde de sang-froid le fils du duc d’York, Rutland, un adolescent de dix-sept ans. Telles sont ces représailles. La furie meurtrière provoque l’atrocité flegmatique. La victoire est souillée de lâchetés. Les nobles passions s’en sont allées : l’amour de la famille et l’amour de là patrie. Les cousins s’entre-égorgent. Dans le désordre des mêlées, le fils tue le père, le père tue le fils. Les villes sont désolées, les campagnes sont désertes. La terre, n’étant plus cultivée, est devenue sauvage autant que l’âme humaine. Tous les cœurs sont aguerris à la férocité. Les instincts les plus doux ont fait place aux impulsions les plus brutales. Une seule affection primordiale subsiste encore, mais à l’état fauve : la femme aime son enfant, comme la louve aime son petit.