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HENRY VI.

le roi henry.

— Ma reine et mon fils sont allés en France chercher du secours ; — et, à ce que j’apprends, le puissant capitaine Warwick — y est allé aussi demander la sœur du roi de France — pour la marier à Édouard. Si cette nouvelle est vraie, — pauvre reine, pauvre fils, vous perdez vos peines ; — car Warwick est un orateur subtil, — et Louis un prince aisément gagné par d’émouvantes paroles. — À ce compte-là Marguerite pourrait bien aussi le gagner ; — car c’est une femme fort digne de pitié ; — ses soupirs feront une brèche dans le cœur du roi ; — ses larmes pénétreraient un sein de marbre ; — le tigre serait attendri, quand elle sanglote ; — et Néron serait touché de compassion, — rien qu’à entendre ses plaintes, à voir ses larmes amères. — Oui, mais elle vient pour demander ; Warwick, pour donner. — Elle, à la gauche du roi, implore du secours pour Henry ; — lui, à la droite, demande une femme pour Édouard. — Elle pleure, et dit que son Henry est déposé ; — il sourit, et dit que son Édouard est couronné. — Elle, pauvre malheureuse, la douleur l’empêche de parler, — tandis que Warwick proclame le titre d’Édouard, pallie ses torts, — invoque des arguments d’un puissant effet, — et, en conclusion, l’emporte sur Marguerite auprès du roi, — en obtenant de lui sa sœur avec maints subsides — pour affermir et consolider le roi Édouard sur le trône. — Ô Marguerite, voilà ce qui arrivera ; et toi, pauvre âme, — tu seras abandonnée, étant venue délaissée.

deuxième garde-chasse.

— Réponds, qui es-tu, toi qui parles de rois et de reines ?

le roi henry.

— Plus que je ne parais, et moins que je ne devrais être par droit de naissance. — Tout au moins suis-je un homme, car je ne puis être moins ; — or les hommes peuvent parler de rois, et pourquoi n’en parlerais-je pas !