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HENRY VI.

warwick.

— Il y a dix jours déjà que j’ai noyé dans les larmes cette nouvelle : — et maintenant, pour augmenter la mesure de vos malheurs, — je viens vous dire ce qui est arrivé depuis. — Après le sanglant combat de Wakefield — où votre vaillant père a rendu le dernier soupir, — la nouvelle de votre désastre et de sa mort — m’a été transmise au galop des plus rapides courriers. — J’étais alors à Londres, gardien du roi : — j’ai rassemblé mes soldats, réuni une foule d’amis ; — et, avec des forces que je croyais suffisantes, — j’ai marché sur Saint-Albans pour barrer le passage à la reine, — emmenant le roi pour m’autoriser de sa présence. — Car j’avais été averti par mes espions — qu’elle venait avec la pleine intention — de casser le dernier décret du parlement — touchant le serment du roi Henry et votre succession. — Bref, nous nous sommes rencontrés à Saint-Albans. — Nos armées se sont choquées, et les deux partis se sont battus avec furie. — Mais était-ce la froideur du roi, — occupé à regarder complaisamment sa martiale épouse, — qui enlevait à mes soldats leur hostile ardeur ? — Était-ce le bruit des succès de la reine ? — Était-ce la crainte excessive des rigueurs de Clifford — qui foudroie ses captifs de cris de sang et de mort ? — Je ne saurais le dire. Toujours est-il — que les armes ennemies allaient et venaient comme l’éclair, — tandis que celles de nos soldats, pareilles au vol indolent de la chouette — ou au fléau d’un moissonneur paresseux, — tombaient mollement, comme si elles frappaient des amis. — J’ai essayé de les ranimer par l’éloge de notre cause, — par la promesse d’une haute paie et de grandes récompenses ; — tout a été vain ! Ils n’avaient pas le cœur de combattre ; — et nous, n’ayant plus l’espoir de vaincre avec de pareils hommes, — nous avons fui : le roi pour retrouver la reine, — lord George votre frère, Norfolk, et moi-même, — pour venir vous joindre