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II

Les quatre pièces que nous venons d’étudier : Richard II, la première partie de Henry IV, la deuxième partie de Henry IV, Henry V, ont été publiées successivement dans un intervalle de quatre années, de 1597 à 1600. Elles forment un ensemble homogène et parfait : entre elles aucune disparate de style, aucune contradiction de détail, aucune divergence de composition. La même pensée les groupe, le même souffle les inspire. Les péripéties qu’elles développent se coordonnent et s’enchaînent avec une logique évidente. Les personnages qu’elles mettent en scène poursuivent leur carrière d’un ouvrage à l’autre : le Bolingbroke de Richard II devient Henry IV ; le prince Hall de Henry IV devient Henry V. Ces quatre pièces sont comme les quatre actes d’un drame gigantesque qui commence par l’insurrection de 1399, et se termine par le traité de 1420. La révolution nationale qui a renversé la monarchie despotique de Richard a pour conclusion suprême la fusion des deux grandes nations civilisatrices, la France et l’Angleterre. Ainsi le poëte a réalisé dans un impérissable symbole le plus beau programme politique et social que jamais philosophe ait rêvé : émancipation du peuple serf, union des peuples ennemis.

Cette harmonie intime et profonde, qui relie Henry V aux trois pièces qui le précèdent, le rattache-t-elle également aux trois pièces qui le suivent ? Un rapide coup d’œil jeté sur la première partie de Henry VI va nous permettre de répondre sans hésiter à cette question. — Dès les premières scènes, le désaccord nous frappe. Qu’est devenu ce génie si doux, si conciliant et si généreux qui animait le vainqueur d’Azincourt et qui savait tempérer l’amour de la patrie par l’amour de l’humanité ? Nous ne rencon--