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Pareillement les dits Anglais, ce vendredi au matin, voyant que les Français ne les approchaient pas pour les envahir, burent et mangèrent ; et après appelant la divine aide contre iceux Français qui les dépitaient, se délogèrent de la dite ville de Maisoncelles ; et allèrent aucuns de leurs coureurs par derrière la ville d’Azincourt, où ils ne trouvèrent nuls gens d’armes ; et pour effrayer les dits Français embrasèrent une grange et maison de la prioré Saint-Georges de Hesdin. Et d’autre part, envoya le dit roi anglais environ deux cents archers par derrière son ost, afin qu’ils ne fussent pas aperçus des dits Français, et entrèrent secrètement à Tramecourt, dedans un pré assez près de l’avant-garde d’iceux Français ; et là se tinrent tout coyement jusqu’à tant qu’il fut temps de traire ; et tous les autres Anglais demeurèrent avec leur roi. Lequel tantôt fît ordonner sa bataille par un chevalier chenu de vieillesse, nommé Thomas Epinhen[1], mettant les archers au front devant, et puis les gens d’armes ; et après fît ainsi comme deux ailes de gens d’armes et archers ; et les chevaux et bagages furent mis derrière l’ost. Lesquels archers fichèrent devant eux chacun un pieu aiguisé à deux bouts. Icelui Thomas enhorta à tous généralement, de par le dit roi d’Angleterre, qu’ils combattissent vigoureusement pour garantir leurs vies ; et ainsi chevauchant lui troisième par devant la dite bataille, après qu’il eut fait les dites ordonnances, jeta en haut un bâton qu’il tenait en sa main, en disant : Ne strecke ! et descendit à pied comme était le roi, et tous les autres ; et au jeter le dit bâton, tous les Anglais soudainement firent une très-grand’huée, dont grandement s’émerveillèrent les Français.

Et quand les dits Anglais virent que les Français ne les

  1. Sir Thomas Erpingham.