Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle l’esprit de l’amour et le faire apparaître sous ses traits véritables.

bourgogne.

Pardonnez à la franchise de ma gaieté, si je vous réponds pour ça. Si vous voulez faire en elle une évocation, il faut que vous traciez un cercle ; si vous voulez évoquer l’Amour en elle sous ses traits véritables, il faut qu’il paraisse nu et aveugle. Pouvez-vous donc la blâmer, elle, une vierge encore toute rose de la pourpre virginale de la pudeur, si elle se refuse à se voir elle-même mise à nu pour laisser paraître un enfant nu et aveugle ? C’est imposer, milord, une condition bien dure à une vierge.

le roi henry.

Bah ! toutes ferment les yeux et se rendent, l’Amour étant aveugle et impérieux.

bourgogne.

Elles sont alors tout excusées, milord, ne voyant pas ce qu’elles font.

le roi henry.

Alors, mon cher seigneur, engagez votre cousine à vouloir bien fermer les yeux.

bourgogne.

Je veux bien l’y engager, si vous vous engagez à lui expliquer ma pensée ; car les vierges, que le plein été a dûment échauffées, sont, comme les mouches vers la Saint-Barthélemy, aveugles, quoique ayant des yeux ; et alors elles endurent l’attouchement, elles qui naguère ne pouvaient supporter un regard.

le roi henry.

Cet apologue m’oblige à attendre un chaud été, à la fin duquel j’attraperai la mouche, votre cousine, devenue elle-même fatalement aveugle.