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çons à vivre en France ; abandonnons tout, — et livrons nos vignobles à un peuple barbare.

le dauphin.

Ô Dieu vivant ! quelques chétifs rejetons, — nés de l’excès de sève de nos pères, — rameaux de notre souche entés sur un tronc inculte et sauvage, — jailliront-ils si brusquement dans les nues — pour dominer la tige qui les a portés ?

bourbon.

— Des Normands ! rien que des bâtards normands, des Normands bâtards ! — Mort de ma vie ! s’ils poursuivent leur marche — sans opposition, je veux vendre ma duché — pour acheter une bourbeuse et sale ferme — dans cette île tortueuse d’Albion.

le connétable.

Dieu des batailles ! où ont-ils pris cette fougue ? — Leur climat n’est-il pas brumeux, flasque et mou ? — Le soleil, comme par dépit, ne se montre à eux que tout pâle, — et tue leurs fruits de ses maussades rayons. Est-ce cette eau fermentée, — bonne pour abreuver des rosses éreintées, leur décoction d’orge, — qui peut chauffer leur sang glacé jusqu’à cette bouillante valeur ? — Et notre sang, ce sang généreux vivifié par le vin, — semblera gelé ! Oh ! pour l’honneur de notre pays, ne restons pas figés comme les glaçons en suspens — au chaume de nos maisons, tandis qu’une nation plus froide — verse les sueurs d’une vaillante jeunesse dans nos riches campagnes, — qui n’ont de pauvres, disons-le, que leurs seigneurs naturels !

le dauphin.

Par l’honneur et la foi, — nos madames se moquent de nous ; elles disent hautement — que notre fougue est à bout, et qu’elles abandonneront — leurs personnes à la