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SCÈNE I.

fortifient leur parti, — et ravalent celui qu’ils n’aiment pas — au-dessous de leurs savates ! Ils disent que le blé ne manque pas ! — Ah ! si la noblesse mettait de côté ses scrupules — et me laissait tirer l’épée, je ferais — de ces milliers de manants une hécatombe de cadavres aussi haute — que ma lance !

ménénius.

Ma foi, je crois ceux-ci presque complètement persuadés : — car, si ample que soit leur manque de sagesse, — ils sont d’une couardise démesurée. Mais, je vous prie, — que dit l’autre attroupement ?

marcius.

Il s’est dispersé. Ah ! les pendards ! — Ils disaient qu’ils étaient affamés, soupiraient des maximes, — que… la faim brise les murs de pierre, qu’il faut que les chiens mangent, — que… la nourriture est faite pour toutes les bouches ; que… les dieux n’ont pas envoyé — le blé pour les riches seulement… C’est en centons de cette sorte — qu’ils ont éventé leurs plaintes ; on leur a répondu — en leur accordant leur requête, étrange requête, — capable de frapper au cœur la noblesse, — et de faire pâlir le pouvoir le plus hardi ! Alors ils ont jeté leurs bonnets — en l’air comme pour les accrocher aux cornes de la lune, — et ont exhalé leur animosité en acclamations.

ménénius.

Que leur a-t-on accordé ?

marcius.

— Cinq tribuns de leur choix pour défendre leur vulgaire politique : — ils ont élu Junius Brutus, — Sicinius Velutus, et je ne sais qui. Sangdieu ! — la canaille aurait démantelé la ville, — avant d’obtenir cela de moi. Cette concession — entamera peu à peu le pouvoir et fournira un thème de plus en plus fort — aux arguments de l’insurrection.