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NOTES.

cordella.

Je ne saurais peindre mon dévouement par des paroles, — et j’espère que mes actions en témoigneront pour moi. — Mais, croyez-le bien, l’amour que l’enfant doit au père, — je l’éprouve pour vous, mon gracieux seigneur.

gonorill.

— Voilà une réponse qui vraiment n’en est pas une. — Si vous étiez ma fille, j’aurais peine à la supporter.

ragane.

— Ne rougis-tu pas, dans ta fierté de paon, — de faire à notre père une si sèche réplique ?

leir.

— Qu’est-ce à dire, mignonne ? êtes-vous devenue si fière ? — Est-ce notre tendresse qui vous rend à ce point péremptoire ? — Quoi ! votre affection pour nous est devenue si mince — que vous ne daignez pas nous dire ce qu’elle est ! — Vous nous aimez comme tous les enfants — aiment leur père ? Oui, il est des enfants — qui, par leur désobéissance, abrègent les jours de leur père, — et vous feriez comme eux. Il en est d’autres qui, ennuyés de leur père, — emploient tous les moyens pour l’expédier de ce monde, — et vous feriez comme eux. Il en est d’autres, à qui il est indifférent — que leur vieux père meure ou vive, — et vous êtes de ceux-là ! Ah ! si tu reconnaissais, fille arrogante, — tous les soins que j’ai pris pour t’élever, — alors tu dirais comme tes sœurs : — Notre vie est peu de chose près de l’amour que nous vous devons.

cordella.

— Cher père, ne vous méprenez pas sur mes paroles, — et ne méjugez pas mes vrais sentiments : — ma langue n’a jamais été accoutumée à la flatterie.

gonorill.

— Gardez-vous de dire que je suis une flatteuse : sinon, — mes actes vous prouveront que je ne le suis guère avec vous. — J’aime mon père plus que tu ne peux l’aimer.

cordella.

— La prétention serait grande, exprimée par une autre bouche ; — mais j’incline à croire qu’ici vous n’avez pas de pareille.

ragane.

— Si fait, en voici une ; car je confirme — tout ce qu’elle a dit et pour moi-même et pour elle. — Je dis que tu ne veux pas de bien à mon père.

cordella.

— Cher père !…