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NOTES.

nommé pour ce que le peuple romain l’élut censeur par deux fois, et puis à sa persuasion fit l’ordonnance et la loi que de là en avant nul ne pourrait demander ni tenir ce magistrat-là deux fois. »

(9) « Mais quand ce vint au jour de l’élection, que Martius descendit en grande magnificence sur la place, accompagné de tout le Sénat, et ayant tous les plus nobles de la ville à l’entour de lui qui poursuivaient de le faire élire consul, avec plus chaude instance que chose qu’ils eussent onques attentée ; adonc l’amour et la bienveillance de la commune commença à se tourner en envie et en haine, avec ce qu’ils craignaient de mettre ce magistrat de souveraine puissance entre les mains d’un personnage si partial pour la noblesse et qui avait tant d’autorité et de crédit entre les patriciens, de peur qu’il ne voulût ôter au peuple entièrement toute sa liberté ; pour lesquelles considérations ils refusèrent à la fin Martius, et furent deux autres poursuivants déclarés consuls. De quoi le sénat fut fort déplaisant, et estima la honte de ce refus lui être plutôt faite que non pas à Martius : lequel la prit encore plus aigrement et la porta plus impatiemment, pour ce qu’il se laissait le plus souvent aller à la colère et à une obstinée opiniâtreté, comme si c’eût été grandeur de courage et magnanimité, n’ayant pas cette gravité, cette froideur et douceur, tempérée par le jugement de bonne doctrine et de raison, qui est nécessairement requise à un gouverneur d’État politique, et n’entendant pas que la chose de ce monde que doit le plus éviter un homme qui se veut mêler du gouvernement d’une chose publique et converser entre les hommes, est l’opiniâtreté, laquelle, comme dit Platon, demeure avec la solitude, c’est-à-dire que ceux qui se aheurtent obstinément à leurs opinions et ne se veulent jamais accommoder à autrui, demeurent à la fin tous seuls ; car il faut que qui veut vivre au monde se rende amateur de patience, de laquelle aucuns malavisés se moquent.

Ainsi Martius étant homme ouvert de sa nature et entier, et qui ne fléchissait jamais, comme celui qui estimait que Vaincre toujours et venir au-dessus de toutes choses, fût acte