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NOTES.

même lui avait vu faire que pour ce que Martius lui avait raconté, et enfin lui dit que de tous les chevaux prisonniers et autres biens qui avaient été pris et gagnés en grande quantité, il en choisît dix de chaque sorte à sa volonté, avant que rien en fût distribué ni départi aux autres. Et outre cela encore, pour témoigner que ce jour-là il avait emporté le prix de prouesse sur tous les autres, lui donna de plus un beau et bon cheval avec tout son harnais et tout son équipage, ce que tous les assistants louèrent et approuvèrent grandement. Mais Martius, se tirant en avant, déclara qu’il recevait bien le présent du cheval et était très-aise que son capitaine se contentât si amplement de lui et le louât si hautement, mais que, du demeurant qui était plutôt un loyer mercenaire que récompense d’honneur, il n’en voulait point, mais se contentait d’avoir seulement sa part égale aux autres. « Sinon, dit-il, que je te demande une grâce de plus, et te prie de me la concéder ; c’est que j’ai entre les Volsques un hôte et ancien ami, homme de bien et d’honneur, qui maintenant est prisonnier, et, au lieu qu’il soûlait être riche et opulent en sa maison, se trouve maintenant pauvre captif entre les mains de ses ennemis ; mais de tous les maux et malheurs qui de présent l’environnent, il me suffit de le pouvoir exempter d’un seul, c’est de le garder qu’il ne soit point vendu comme esclave. »

Ces paroles de Martius ouïes, il se leva une grande clameur de toute l’assistance, et y en eut plus de ceux qui admirèrent son abstinence, en le voyant si peu mû d’avarice, que de ceux qui haut louèrent sa vaillance. Car ceux mêmes qui avaient quelque peu d’envie et de jalousie à l’encontre de lui, pour le voir ainsi honorer et louer extraordinairement, l’estimèrent de tant plus digne qu’on lui donnât encore plus grand loyer de sa valeur, que moins il en acceptait ; et aimèrent plus en lui la vertu qui lui faisait mépriser tant de bien que celle pour laquelle, comme à personne digne, on les lui déférait. Car plus fait à louer le savoir bien user des biens que des armes, et plus encore fait à révérer le non les appéter que le bien en user. Mais après que le bruit et la clameur de l’as-