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LE ROI LEAR.

kent.

Compagnon, je te connais.

oswald.

Et pour qui me connais-tu ?

kent.

Pour un drôle ! un maroufle, un mangeur de reliefs, un infâme, un insolent, un sot, un gueux à trois livrées, un cuistre à cent écus, un drôle en sales bas de laine, un lâche au foie de lis, un vil chicanier, un fils de putain, un lorgneur de miroir, un flagorneur, un faquin, un maraud héritant de toutes les défroques ! un gredin qui voudrait être maquereau à force de bons offices, et qui n’est qu’un composé du fourbe, du mendiant, du couard, et de l’entremetteur ! le fils et héritier d’une lice bâtarde ! un gaillard que je veux faire éclater en hurlements plaintifs, si tu oses nier la moindre syllabe de ton signalement !

oswald.

Eh ! quel monstrueux coquin es-tu donc, pour déblatérer ainsi contre un homme qui n’est pas connu de toi et ne te connaît pas ?

kent.

Il faut que tu sois un manant à face bien bronzée, pour nier que tu me connaisses. Il n’y a pas deux jours que je t’ai culbuté et battu devant le roi. Dégaîne, coquin. Quoiqu’il soit nuit encore, la lune brille, je vais t’infiltrer un rayon de lune… Dégaîne, putassier, couillon ! dégaîne, dameret !

Il met l’épée à la main.
oswald.

Arrière ! je n’ai pas affaire à toi.

kent.

Dégaînez, misérable ! ah ! vous arrivez avec des lettres contre le roi ; vous prenez le parti de la poupée Vanité contre la majesté de son père. Dégaînez, coquin, ou je vais