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LE ROI LEAR.

Car, par le rayonnement sacré du soleil, — par les mystères d’Hécate et de la nuit, — par toutes les influences des astres — qui nous font exister et cesser d’être, — j’abjure à ton égard toute ma sollicitude paternelle, — toutes les relations et tous les droits du sang ; — je te déclare étrangère à mon cœur et à moi — dès ce moment, pour toujours. Le Scythe barbare, — l’homme qui dévore ses enfants — pour assouvir son appétit, trouvera dans mon cœur — autant de charité, de pitié et de sympathie — que toi, ma ci-devant fille !

kent.

Mon bon suzerain…

lear.

Silence, Kent ! — Ne vous mettez pas entre le dragon et sa fureur. — C’est elle que j’aimais le plus, et je pensais confier mon repos — à la tutelle de sa tendresse… Arrière ! hors de ma vue !… — Puisse la tombe me refuser sa paix, si je ne lui retire ici — le cœur de son père !… Appelez le Français !… M’obéit-on ?… — Appelez le Bourguignon !… Cornouailles, Albany, — grossissez de ce tiers la dot de mes deux filles : — que l’orgueil, qu’elle appelle franchise, suffise à la marier. — Je vous investis en commun de mon pouvoir, — de ma prééminence et des vastes attributs — qui escortent la majesté. Nous-même, — avec cent chevaliers que nous nous réservons — et qui seront entretenus à vos frais, nous ferons — alternativement chez chacun de vous un séjour mensuel. Nous ne voulons garder — que le nom et les titres d’un roi. — L’autorité, — le revenu, le gouvernement des affaires, — je vous abandonne tout cela, fils bien-aimés : pour gage, — voici la couronne ; partagez-vous-la !

Il se démet de la couronne.
kent.

Royal Lear, — que j’ai toujours honoré comme mon