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SCÈNE I.

lear.

Rien ?

cordélia.

Rien.

lear.

— De rien rien ne peut venir : parlez encore.

cordélia.

— Malheureuse que je suis, je ne puis soulever — mon cœur jusqu’à mes lèvres. J’aime Votre Majesté — comme je le dois, ni plus ni moins.

lear.

— Allons, allons, Cordélia ! Réformez un peu votre réponse, — de peur qu’elle ne nuise à votre fortune.

cordélia.

Mon bon seigneur, — vous m’avez mise au monde, vous m’avez élevée, vous m’avez aimée ; moi, — je vous rends en retour les devoirs auxquels je suis tenue, — je vous obéis, vous aime et vous vénère. — Pourquoi mes sœurs ont-elles des maris, si, comme elles le disent, — elles n’aiment que vous ? Peut-être, au jour de mes noces, — l’époux dont la main recevra ma foi emportera-t-il avec lui — une moitié de mon amour, de ma sollicitude et de mon dévouement ; — assurément je ne me marierai pas comme mes sœurs, — pour n’aimer que mon père.

lear.

— Mais parles-tu du fond du cœur ?

cordélia.

Oui, mon bon seigneur.

lear.

— Si jeune, et si peu tendre !

cordélia.

Si jeune, monseigneur, et si sincère !

lear.

— Soit !… Eh bien, que ta sincérité soit ta dot ! —