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CORIOLAN.

mais ne me dis pas — pourtant de pardonner aux Romains. Oh ! un baiser — long comme mon exil, doux comme ma vengeance !…

Il l’embrasse.

— Par la jalouse reine des cieux, c’est le même baiser — que j’ai emporté de toi, ma chérie ; ma lèvre fidèle — l’a toujours gardé vierge !… Grands dieux ! je babille, — et la plus noble des mères — n’a pas même reçu mon salut… Enfonce-toi dans la terre, mon genou, — et que ta déférence y laisse une marque plus profonde — que la génuflexion du commun des fils.

Il s’agenouille.
volumnie, le relevant.

Oh ! reste debout, et sois béni, — tandis que, sur ce dur coussin de cailloux, — je tombe à genoux devant toi, et que, par cette preuve inouïe — de respect, je bouleverse la hiérarchie — entre l’enfant et la mère !

Elle s’agenouille.
coriolan.

Que vois-je ? — Vous, à genoux devant moi, devant ce fils que vous corrigiez ? — Alors, que les galets de la plage affamée — aillent lapider les astres ! alors, que les vents mutinés — lancent les cèdres altiers contre l’ardent soleil ! — Vous égorgez l’impossible, en rendant — facile ce qui ne peut être !

volumnie.

Tu es mon guerrier : — c’est moi qui t’ai formé.

Montrant Valérie.

Reconnais-tu cette dame ?

coriolan.

— Oui, la noble sœur de Publicola, la lune de Rome, chaste comme le glaçon — que le givre a formé de la plus pure neige — et suspendu au temple de Diane ! Chère Valérie !