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CORIOLAN.

— de mes bras ce corps contre lequel — ma lance a cent fois brisé son frêne, — en effrayant la lune de ses éclats ! Laisse-moi étreindre — cette enclume de mon glaive, et rivaliser — avec toi de tendresse aussi ardemment, aussi noblement — que j’ai jamais, dans mes ambitieux efforts, — lutté de valeur avec toi ! Sache-le, — j’aimais la vierge que j’ai épousée ; jamais amoureux — ne poussa plus sincères soupirs ; mais à te voir ici, — toi, le plus noble des êtres, mon cœur bondit avec plus de ravissement — qu’au jour où je vis pour la première fois ma fiancée — franchir mon seuil. Apprends, ô Mars, — que nous avons une armée sur pied, et que j’avais résolu — une fois encore de t’arracher ton bouclier, — au risque d’y perdre mon bras. Tu m’as battu — douze fois, et depuis, toutes les nuits, j’ai — rêvé de rencontres entre toi et moi : — nous nous culbutions dans mon sommeil, — débouclant nos casques, nous empeignant à la gorge, — et je m’éveillais à demi mort du néant ! Digne Marcius, — n’eussions-nous d’autres griefs contre Rome — que ton bannissement, nous réunirions tous nos hommes — de douze à soixante-dix ans, et nous répandrions la guerre — dans les entrailles de cette ingrate Rome, — comme un flot débordé… Oh ! viens, entre, — viens serrer les mains amies de nos sénateurs, — dont je recevais ici les adieux, — me préparant à marcher contre le territoire romain, — sinon contre Rome elle-même.

coriolan.

Dieux ! vous me bénissez !

aufidius.

— Si donc, preux sublime, tu veux prendre — le commandement de tes propres représailles, accepte — la moitié de mes pouvoirs ; et d’accord avec ton expérience suprême, puisque tu connais — la force et la faiblesse de ton pays, règle toi-même ta marche, — soit pour aller frapper aux portes de Rome, — soit pour envahir violem-