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SCÈNE XIII.

remercie, — pour vos voix exquises… Maintenant que vous avez lâché vos voix, — je n’ai plus affaire à vous. N’était-ce pas là se moquer ?

sicinius.

— Comment avez-vous été assez ignares pour ne pas voir cela, — ou, le voyant, assez puérilement débonnaires — pour lui accorder vos voix ?

brutus.

Ne pouviez-vous pas lui dire, — selon la leçon qui vous était faite, que, quand il n’avait pas de pouvoir, — quand il n’était qu’un serviteur subalterne de l’État, — il était votre ennemi, pérorait sans cesse — contre les libertés et les priviléges qui vous sont attribués — dans le corps social ; que désormais, parvenu — à un poste puissant, au gouvernement de l’État, — s’il continuait perfidement à rester — l’adversaire acharné des plébéiens, vos voix pourraient bien — retomber en malédictions sur vous-mêmes ? Vous auriez dû lui dire, — que, si ses vaillants exploits étaient des titres — à ce qu’il sollicitait, il n’en devait pas moins — vous être reconnaissant de vos suffrages — et transformer en amour sa malveillance envers vous, — pour devenir votre affectueux protecteur.

sicinius.

Ce langage, — qu’on vous avait conseillé, aurait servi à sonder son âme, — et à éprouver ses dispositions ; il aurait arraché — de lui de gracieuses promesses dont vous pouviez — vous prévaloir au gré des circonstances ; — ou bien il aurait piqué au vif sa nature hargneuse — qui ne se laisse pas aisément — lier par des conditions, et, après l’avoir ainsi mis en rage, — vous auriez pris avantage de sa colère — pour le renvoyer non élu.

brutus.

Si vous avez remarqué — le franc dédain avec lequel