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APPENDICE.


Ne vous étonnez pas, nymphes, si je déplore
L’absence de la belle Rosalinde,
Puisqu’aucune belle n’est aussi belle
Ni aussi divine par ses vertus.
Hé ! ho ! belle Rosalinde !
Hé ! ho ! mon cœur ! Plût à Dieu qu’elle fût à moi
Periit, quia deperibat,

— Ma foi, s’écria Ganimède, ou le chasseur est un peintre magique, ou Rosalinde dépasse toute merveille. Je rougis, quand j’entends dire que les femmes peuvent être si excellentes, de voir les pages si imparfaits.

— Ah ! observa Rosader, puisque tu ne peux être l’essence de la perfection, contente-toi d’en avoir un reflet ; c’est une excellence suffisante de ressembler à l’excellence de la nature.

— Il vous a répondu, Ganimède, dit Aliéna. C’est assez pour les pages de servir les belles dames, sans être beaux eux-mêmes.

— Oh ! madame, répartit Ganimède, taisez-vous, car vous êtes partial. Qui ne sait que toutes les femmes désirent attacher la souveraineté à leurs jupes et garder la beauté pour être seules ? Bah ! si les pages s’habillaient comme elles, peut-être seraient-ils aussi agréables, ou du moins aussi avenants. Mais, dis-moi, chasseur, n’as-tu pas écrit d’autres poëmes en l’honneur de ta maîtresse ?

— Oui, gentil berger, mais je ne les ai pas sur moi ; demain, au lever du jour, si vos troupeaux restent dans ces pâtis, je vous les apporterai ici.

Sur ce, souhaitant un cordial bonsoir à Ganimède et à Aliéna, il retourna à sa grotte. Les deux amies parquèrent leurs troupeaux et rentrèrent à la chaumière de Coridon. Aliéna dit qu’il était temps d’aller au lit. Coridon jura que c’était vrai, car la grande ourse s’était levée au nord. Sur quoi tous, ayant pris congé, allèrent se reposer, tous, excepté la pauvre Rosalinde, qui, pleine de sa