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APPENDICE.

çons qui étaient ses fils, de bonne mine et d’extérieur agréable. L’aîné, ayant plié le genoux devant le roi, entra en lice et s’offrit au Normand qui sur-le-champ l’accosta avec furie, le terrassa et le tua sous le poids de sa corpulente personne. Ce que voyant, le jeune frère, altéré de vengeance, bondit immédiatement sur la place et assaillit le Normand avec une telle valeur qu’au premier choc il le fit tomber à genoux. Mais le Normand, revenu bientôt à lui-même, et fort d’une énergie que doublait la crainte du déshonneur, se redressa contre le jeune homme, et, le saisissant dans ses bras, le rejeta contre terre si violemment qu’il lui rompit le cou et termina ses jours comme ceux de son frère. À ce massacre inattendu, le peuple murmura ; mais le vieux père releva les corps de ses fils sans changer de visage ni donner aucun signe extérieur de mécontentement.

Rosader, qui avait assisté à cette tragédie, sauta à bas de son cheval, puis, s’asseyant sur la pelouse, commanda à son page de lui tirer ses bottes, et s’équipa pour la lutte. Une fois prêt, il frappa sur l’épaule du franc-tenancier en lui disant : « Attends un peu, brave homme, tu vas me voir tomber le troisième dans cette tragédie ou venger la chute de tes fils par un noble triomphe. » Le campagnard, voyant un si beau gentilhomme lui apporter une si courtoise consolation, le remercia cordialement et lui promit de prier pour son heureux succès. Sur ce, Rosader sauta allègrement dans la lice, et, jetant un regard sur la foule de dames qui brillaient là comme autant d’étoiles, il aperçut Rosalinde dont l’admirable beauté l’éblouit au point que, s’oubliant lui-même, il s’arrêta pour rassasier sa vue de ses traits. Celle-ci s’en aperçut et rougit, ce qui doubla l’éclat de ses charmes au point que la pudique rougeur d’Aurora, à l’aspect imprévu de Phaéto, était loin d’être aussi splendide.