Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 8.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
434
LES AVENTURES DE GIANETTO.

ayant fourni leurs navires de ce qui était nécessaire, mirent à la mer, firent voile et naviguèrent de conserve avec Gianetto. Après plusieurs jours de traversée, Gianetto concentra toute son attention à retrouver le port de sa dame, qui s’appelait le Port de la dame Belmonte. Une nuit, étant arrivé à la bouche de ce port, lequel était dans une rade, Gianetto le reconnut aussitôt, fit virer de bord et y pénétra si vite que ses compagnons, qui étaient sur les autres navires, ne s’en aperçurent pas plus que la première fois.

La dame de Belmonte, s’étant levée le matin et ayant regardé en bas dans le port, vit flotter le pavillon de ce navire, et l’ayant aussitôt reconnu, appela une sienne camériste et lui dit : Reconnais-tu ce pavillon ?

— Madame, répondit la camériste, il semble que c’est le navire du jeune homme qui est venu, il y a un an, et qui nous a laissé une si riche cargaison.

— Certainement, tu dis vrai, dit la dame : et, bien sûr, il faut qu’il soit énamouré de moi, car je n’ai jamais vu personne venir ici plus d’une fois.

— Jamais, dit la camériste, je n’ai vu un homme plus courtois ni plus gracieux que lui.

La dame lui dépêcha nombre de pages et d’écuyers qui le visitèrent en grand gala. Il leur fit l’accueil le plus aimable, et se rendit avec eux au château de la dame. Dès qu’elle le vit, elle l’embrassa avec grande joie et allégresse, et il l’embrassa avec grande révérence. Tout le jour se passa en fêtes et en réjouissances. La châtelaine fit inviter nombre de barons et de dames qui vinrent à la cour faire fête à Gianetto. Presque tous les barons lui témoignaient de la sympathie et auraient voulu l’avoir pour seigneur à cause de son affabilité et de sa courtoisie ; et presque toutes les dames étaient énamourées de lui ; et voyant avec quelle mesure il conduisait la danse et quelle