Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 8.djvu/433

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
APPENDICE.

Or, il advint que deux de ses compagnons les plus chers voulurent aller à Alexandrie avec deux navires chargés de leurs marchandises, comme ils étaient habitués à le faire chaque année ; ils s’adressèrent donc à Gianetto et lui dirent :

— Tu devrais te donner le plaisir de naviguer avec nous, pour voir le monde et surtout Damas, et le pays d’alentour.

— En bonne foi, répondit Gianetto, j’irais bien volontiers, si mon père, messire Ansaldo, m’en donnait l’autorisation.

— Nous ferons si bien, dirent ceux-ci, qu’il te la donnera et sera content.

Et aussitôt ils allèrent à messire Ansaldo et lui dirent :

— Nous venons vous prier de vouloir bien autoriser Gianetto à venir avec nous ce printemps à Alexandrie et de lui fournir quelque navire ou embarcation pour qu’il voie un peu le monde.

— J’en suis charmé, si cela lui plaît, dit messire Ansaldo.

— Messire, répondirent-ils, il en est charmé.

Messire Ansaldo fit donc aussitôt fréter pour lui un magnifique navire et ordonna qu’il fût chargé de marchandises, garni de banderoles et d’armes en aussi grande quantité qu’il était nécessaire. Aussitôt qu’il fut préparé, messire Ansaldo commanda au patron et à tous ceux qui étaient au service du navire de faire tout ce que Gianetto leur commanderait et d’avoir pour lui tous égards : « Car, dit-il, je ne l’envoie pas dans le but de spéculer, mais pour qu’il voie le monde à son aise. » Et quand Gianetto fut pour s’embarquer, Venise tout entière se pressa pour le voir, parce que, depuis longtemps, il n’était sorti de Venise à un navire aussi beau et aussi bien équipé que celui-là. Et tout le monde était attristé de son départ. Il prit congé de messire Ansaldo et de tous ses